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  • Photo du rédacteurClara BL

"Take My Pain and Make it Something Beautiful" Andrew Ripp - Something Beautiful

Je sais seulement ce que c’est d’être dans ce corps de femme blanche que j’ai, je ne peux parler que de mes expériences.

Je ne sais pas si ces expériences sont seulement associées au fait d’être une femme ou à mon histoire et aux personnes que j’ai rencontrées.

J’espère que partager tous ça vous permettra de vous sentir moins seule ou de mettre des mots sur des réalités que vous ne connaissez pas.

Tout ce qui m’est venu après avoir écrit tous ces mots douloureux, c’est les paroles d’une chanson d’Andrew Ripp « Take my pain and make it something beautiful ».


Être dans un corps qui ressemble au mien, c’est :


Dès l’école primaire et puis plus tard, le dégoût. Tout ce qui commence à nous différencier des enfants est dégueulasse, les pertes blanches, les poils, la transpiration, les règles. C’est la honte. C’est pas féminin de ne plus être lisse comme une enfant, c’est dégoûtant.


Dès le collège et puis plus tard, c’est commencer à entendre des remarques sur les transformations de ton corps par certains adultes autour de toi, des proches, moins proches et inconnus. C’est les commentaires de tes camarades sur tes seins comme si c’était un sujet de discussion séparé de toi.


Avant même le début de ta vie sexuelle, c’est te demander si tu as un problème parce que tu n’as pas encore couché. Si tu n’es pas désirable, tu as un sérieux problème. C’est entendre des histoires de viol et d’agressions sexuelles comme si c’était la base de la vie d’une femme, un passage obligé. Des histoires de premières fois où elle a dit non, mais ça s’est produit quand même. Et des histoires de familles qui te font froid dans le dos. C’est toujours avoir la peur viscérale qu’on remette ta parole en doute quand il y a un homme impliqué dans une situation qui « ne le met pas à son avantage. » C’est avoir des exemples de fois où c’est arrivé qui te font dresser les poils sur les bras.


C’est des intrusions constantes dans toutes les sphères de ta vie parce que quelqu’un a toujours quelque chose à dire sur ton corps et ta condition de femme. C’est des conversations qui atterrissent sans aucune raison et surtout sans ton avis sur ton corps, ce qu’on aimerait lui faire — souvent avec des mots qui s’apparentent plus à la guerre qu’à l’amour —, ce qu’on en pense. C’est des « compliments » comme on enfonce des clous pour faire tenir ce corps au mur des objets acceptés. C’est des conversations et des comportements qui continuent à être sexuels alors que tu n’en as plus envie. C’est toujours te demander si tu as été assez claire et si au final ce n’est pas de ta faute. Peut-être que tu devrais t’excuser d’ailleurs. Tu vois le mal partout. Surtout chez toi.


C’est dans ta tête te dire que peut-être si tu avais été moche aux yeux de la société alors ta vie aurait été plus facile et c’est avoir peur aussi que ça devienne vrai parce qu’alors tu n’aurais plus de valeur.

Et c’est devoir défendre que la valeur que tu te donnes n’est pas seulement celle du regard des hommes parce que quand tu t’habilles ça prouve le contraire. C’est des conversations où on cherche à te faire admettre que tu aimes vivre pour les hommes parce que peut être que quelqu’un qui aime son oppression n’est plus aussi oppressée.

C’est être le trophée, le faire-valoir de quelqu’un. Ta valeur est ton corps, mais ce n’est pas à toi qu’elle sert cette valeur.


C’est la sensation de devoir protéger ton corps du regard destructeur des autres, surtout si par ta faute il est beau. Tu n’as pas le droit d’être belle seulement pour ton bénéfice. Ça en devient dangereux. D’ailleurs, tu n’es pas belle, tu es bonne. C’est te dire que peut-être tu ne devrais pas l’aimer ou en prendre soin pour toi-même parce que regarde tout ce que ça provoque autour de toi, enfin de lui, ton corps. Toi on s’en fiche un peu.


C’est des regards qui détaillent ce corps comme si tu n’étais pas dedans et des remarques qui ne s’adressent pas à toi, mais à lui ou ses parties, parfois séparées parfois ensemble, mais jamais avec toi. Parce que seule l’enveloppe compte.C’est t’entendre dire par quelqu’un « j’aurais pu te violer ! » comme un reproche. C’est devoir te couvrir partout, même chez toi, parce ta brassière de sport incite ton pote ou tes voisins à te sexualiser et que d’une façon ou d’une autre c’est toi qui dois en porter la responsabilité. C’est toi qui à la responsabilité de te tenir en sécurité dans la rue aussi, alors tu te fais jolie, mais pas trop ou alors tu l’as cherché.

C’est des gens qui te parlent dans ladite rue sans aucune raison autre que l’impression que c’est leur droit et qui s’intéressent plus de savoir si tu appartiens à un autre homme qu’à toi en tant que personne. C’est ne pas pouvoir sourire ou regarder les gens de peur de te faire aborder quand tu as seulement envie de te déplacer avec ton bonheur dans l’espace pas si public que ça. Et c’est t’entendre dire que tu devrais sourire — dans la rue ou ailleurs —, que tu es bonne puis que tu es moche — ou pire — parce que tu n’as pas répondu.


C’est être à la disposition d’un autre être humain pour satisfaire ses envies et ses besoins, parce que tu n’as pas d’envie et tu n’as pas de besoin. C’est avoir appris à avoir envie de quelqu’un parce qu’il a envie de toi et c’est tout. C’est une main qui se glisse sur toi, dans tes vêtements quand tu fais autre chose parce que ce que tu fais n’est pas aussi important que le fait que l’autre veuille ton corps. C’est la sensation de devoir donner ton corps parce que ton partenaire a fait quelque chose pour toi. C’est normal, c’est ta monnaie d’échange. La principale en tout cas. C’est apprendre que quand tu dis non, tu ne fais pas ton devoir de femme. C’est pleurer parce que tu n’avais pas envie, mais que faire un effort ça n’a jamais tué personne. C’est des choses qui arrivent même quand on « t’aime ». Et puis d’abord si on aime ton corps c’est suffisant, non ? C’est finir par sortir de ton corps quand tu es trop fatiguée pour lutter pour lui. Tu ne peux pas être la seule à lutter. Alors tu laisses les choses lui arriver pendant que tu n’es plus là. De toute façon quand il s’agit de lui tu n’as jamais été vraiment là pour commencer.


C’est être regardée avec tout le spectre du dégoût, de l’indignation, de la condescendance, de l’ennui quand tu fais quelque chose qui n’est pas « féminin », comme parler fort, avoir une opinion, dire non, prendre de la place, avoir des fonctions corporelles, des émotions pas suffisamment petites. Tu n’es pas censé être humaine, tu es d’abord une femme. Un bout d’humain, pas entier.


C’est l’incompréhension totale quand tu réagis parce que ces choses te tuent à l’intérieur. Mais c’est pas comme ça que ça marche ?!C’est avoir à éduquer les gens qui t’entourent, c’est ne pas pouvoir éviter ces conversations sinon tu sais que les situations vont se reproduire. Tu fais toujours cet arbitrage, c’est quoi le moins difficile ?


Parfois j’en peux plus d’être dans un corps de femme, parfois je le déteste tellement que je voudrais le détruire de m’apporter tant d’emmerdes, je le déteste parce que c’est de sa faute. #Évidemment #Normal #Ironie


Ça ne pourrait pas être celle de notre société parce qu’elle est moins facile à changer que notre perception de nous et de notre corps. J’essaie encore de rentrer dans une cage en espérant que ce soit plus facile. Ça ne marche pas, mais c’est souvent tentant.


Parfois, j’ai juste envie de hurler à plein poumon au milieu du monde. Parce si on n’ouvre pas les yeux des millions de femmes, comme moi, vont continuer à avoir envie de détruire leur corps plutôt que la société qui l’emprisonne.


On veut être libre de nos mouvements, de nos corps et de notre vie. Et je crois qu’il est temps qu’on le soit.


On peut se mettre pour de vrai au féminisme maintenant ?

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