Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être en permanence sur un fil tendu au-dessus du vide. Ou pour reprendre la métaphore de Théodore Roosevelt The Man in The Arena, si chère à Brené Brown, d'être dans l'arène.
Je suis nouvelle à danser sur le fil. Je suis nouvelle dans l'arène. J'étais plutôt du genre gradins de la vie jusqu'à il y a un an.
Je dois dire que c'était assez confortable les gradins finalement. C'était confortable d'envier ces gens sur le fil qui font de belles figures, en me disant que ce n'était pas pour moi. C'est confortable d'être jalouse, de se faire petite, de ne pas prendre de risque, de regarder. Et d'une certaine façon, d'espérer qu'un peu de l'émerveillement que je ressens en regardant ce spectacle étouffe en moi le sentiment que quelque chose ne va pas, que je ne suis pas pleinement vivante.
J'ai choisi de sortir des gradins. Et sur le fil, je ne peux pas faire demi-tour, mais je ne peux pas encore faire de figures non plus. Je me tiens maladroitement, sans grâce, sans savoir vraiment comment faire. Souvent, je tombe, et ça fait mal.
J'aimerais bien retourner m'asseoir et faire comme si rien ne s'était passé, comme si je n'avais pas fait ces quelques pas sur le fil. Comme si je ne savais pas ce que ça fait de voir le vide sous mes pieds et de savoir que quoiqu'il arrive ça ira, comme si je n'avais jamais ressenti cette impression de voler juste en me tenant là et rien d'autre. C'est vrai, j'ai envie de retourner dans les gradins, souvent, et surtout quand je tombe, ou que je ne sais pas où je vais, ce qui arrive souvent en même temps. De retrouver la sécurité que j'ai parfois du mal à trouver à l'intérieur. Parce que ces gradins, c'était devenu ma maison. Et c'est dur de ne pas pouvoir faire demi-tour.
J'ai l'impression d'être tombée un peu comme quand on fait un plat dans l'eau, mais sur la terre ferme (dans la boue, en plus, parce qu'il pleut à Londres, sans surprise). J'ai vraiment vraiment mal, je me dis que j'en ai marre, que c'est trop dur, que ça ne sert à rien de toute façon tout ça. Je suis bien à plat sur le sol comme un crêpe qui ne voudrait pas se retourner et j'ai juste pas envie de me relever, parce que franchement, j'ai l'air de quoi recouverte de boue et de larmes, je suis triste et aussi terriblement en colère. C'est injuste quand même que ça m'arrive à moi, non? Je veux dire, tous ces gens qui font des superbes figures sur le fils de leur vie, qui sont dans l'arène, et moi j'ai perdu le mien, de fil. À ce moment, là, je suis jalouse de ceux qui sont assis bien tranquillement dans les gradins autant que de ceux qui dansent sur leur fil.
Et en même temps, c'est okay. C'est énorme d'avoir choisi de se montrer, de s'aimer, et d'essayer et d'être là entre l'avant et l'après. Ça fait mal de tomber. Je vais me relever, et j'en serais grandie. Je ne peux pas revenir en arrière mais je peux avancer, et apprendre, et aller encore plus haut, faire des figures plus incroyables, même si ça veut dire que dans le processus je vais me faire sûrement encore plus mal que ce que je vis aujourd'hui.
J'ai choisi, et j'accepte toutes les conséquences de ce choix, même les pas jolies. Les pas jolies sont précieuses.
Comments