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  • Photo du rédacteurClara BL

Le monde sur les épaules

Je participais à mon groupe de paroles de femmes victimes de violences domestiques récemment, et on a discuté d’une chose sur laquelle je n’avais jamais vraiment mis de mots jusqu’à maintenant, bear with me.


J’ai la légère impression que les femmes, et de façon plus générale, les personnes qui ne sont pas des hommes cisgenres hétéros, blancs, mince, etc. portent sur leurs épaules, la responsabilité des dits hommes parce qu’à un moment, il a été décidé que la responsabilité, c’était pas pour eux.


Je le vois partout et de plus en plus. Dans les médias et la façon dont on dresse le portrait d’hommes de pouvoir et pour qui on semble toujours trouver des excuses à des comportements inacceptables.

Ces histoires de « il faut séparer le violeur de l’artiste/de l’homme/du professionnel ». Du coup, on peut pas mettre le violeur en prison et continuer à profiter de son art/son travail ? Ça semble une bonne séparation ça, non ? Pourquoi mon seul pouvoir ça semble être de boycotter le truc fait par quelqu'un?


Et puis, cette présomption d’innocence, c’est bizarre que ça s’applique à un potentiel criminel, mais pas à une potentielle victime, vous trouvez pas ? Parce que soyons honnête, on présume que le mec est innocent, ok (et même s'il est pas innocent faudrait pas que prendre ses responsabilités ruine sa vie), mais la meuf, elle ne l’est pas ?

Parce que presque immédiatement elle est coupable d'exagérer, ou de mentir. Et la plupart du temps, elle est coupable de ses vêtements, du lieu où elle était, d'avoir été toute seule.... Pas super innocent cette histoire.

C’est fou quand même que les études montrent qu’il y a plus de fausses déclarations de cambriolage que de viol et qu’on en soit toujours là.


C’est fou aussi qu’on s’entende dire des trucs comme « j’aurais pu te violer » sur un ton de reproche. On est d’accord que dans un moment où tu t’es laissé emporter et que tu as malencontreusement oublié de vérifier que vous étiez sur la même longueur d’onde, la meilleure chose à faire, c’est de t’excuser ? Genre, t’as failli écraser un piéton parce que t’étais dans tes pensées, tu vas pas lui hurler dessus, si ?

Apparemment si pour certains.


L’exemple qui à débuté cette réflexion… Un mec est addict au porn, c’est de la faute de sa copine/femme. C’est bien connu, il n’y aurait pas d’addiction au porn si les meufs étaient dispo h24 pour qu’on utilise leur corps pour assouvir un « besoin ». Spoiler alert : le sexe n’est pas un besoin fondamental. On ne meurt pas de l’absence de sexe, surtout quand à priori beaucoup d’hommes ont deux mains et un cerveau.


L’histoire des « blue balls » est fascinante aussi. C’est l’idée répandue selon laquelle un homme ne peut pas arrêter un rapport sexuel avant d’avoir joui, sinon, c’est dangereux pour ses organes génitaux. On vous a sorti cette excuse ou une de ses variantes pour vous dire qu'il faut vraiment que tu continue quand t'en as plus envie? Faudrait pas qu’un homme ait l’expérience d’un truc désagréable. Oui, parce que c’est juste ça, désagréable. Vous avez déjà entendu ou utilisé l’excuse de la « blue vulva » ? Qui l’eut cru, ça existe aussi !

Je parle beaucoup d’agressions sexuelles finalement, parce que c’est un peu la représentation extrême de « Les autres sont mes objets, m’appartiennent et existent pour mon plaisir », mais bien sûr, ce système de pensée se glisse à tous les niveaux.

Quand on regarde le capitalisme, la façon dont les emplois les plus socialement utiles sont le moins bien rémunérés, la façon dont on traite les employés comme des choses interchangeables, la façon dont on traite les personnes âgées, malades, etc., etc., etc.


J’essaie de toutes mes forces de me sentir en sécurité, de garder en tête l’idée que l’univers est bienveillant et protecteur. Mais dans les faits quand même, l’univers est bien plus protecteur avec une partie de la population qu’avec les autres, vous trouvez pas ?


Je réalise que ça ne vient pas seulement de moi et de mes perceptions, que ce n’est pas seulement à moi de travailler sur moi pour me sentir en sécurité. Que cette sensation est basée sur une réalité qui ne vit pas seulement dans ma tête ! Quand tu commences avec un mec de ta famille qui viole des gamines et qui est toujours en liberté, c’est un peu chaud patate de te sentir en sécurité. C’est la façon dont le monde fonctionne.

Et le pire, c’est que quand on est victime, on peut entendre des trucs du genre, « il faut absolument que tu portes plainte, il faut l’arrêter, pense aux victimes à venir ». Vous saviez vous que c’était de la responsabilité de la victime de faire que le comportement de quelqu’un d’autre s’arrête ? Parce que moi oui. (Faites attention à ce que vous dites, et à ce que vous demandez.


Alors à défaut de me sentir en sécurité, je me sens souvent en colère.


En colère contre un monde qui nous fait croire que si on fait tout bien comme il faut, c’est à dire prendre la responsabilité du monde sur les épaules, alors on sera heureux.se, enfin, surtout protégé. e. s. Parce qu’on est protégé. e quand on correspond à l’objet qu’on veut qu’on soit.

C’est plus facile d’obtenir du travail, d’avoir une maison, d’être entouré. e, et soutenu. e quand on a les difficultés d’usage parce que c’est normal de prendre sur soi quand quelqu’un nous maltraite.


C’est un privilège d’être cet.te objet. Quand on renonce à ce privilège, on est encore plus en danger. Les menaces de mort, c’est chose courante quand on est activiste, féministe, antiraciste et probablement toute sorte d’activisme qui dérange des hommes blancs qui ont envie de continuer à n’être responsable de rien.

Je ne veux plus de ce privilège. C’est un privilège qui tue. Quitte à choisir, je préfère me faire renverser par un bus.


Avant de terminer, je vais préciser un truc. Je n’ai rien contre les hommes. Ce qui me pose problème, ce sont les comportements. Et il s’avère que ces comportements sont majoritairement le fait d’hommes. Je dis ça parce qu’on m’a déjà fait le coup de vouloir redorer l’image que j’ai des hommes. Et autant que je comprenne le fait de s’identifier à son genre, j’aurais tendance à dire « Prend tes responsabilités déjà, c’est bien suffisant, tu sauveras l’image tu genre masculin un autre jour ».


J’ai lu récemment sur la justice restaurative, et j’ai trouvé très touchant le témoignage d’un homme qui face à ses victimes se rendait compte de ce qu’elles avaient vécu comme résultat de ses actes. La douleur. Ça avait l’air d’être très dur. Et ça me fait me demander s’il n’y a pas une partie de nous qui imagine que les hommes sont trop fragiles pour assumer la responsabilité de leurs actions. Parce que oui, se rendre compte que tes actes ont fait énormément de mal, c’est hyper difficile, ça montre une partie de toi détruite. Ça remet en question l’image que tu as de toi, de qui tu es, mais franchement, on peut arrêter avec cette idée toxique que les femmes sont bien plus fortes que les hommes pour continuer à préserver des adultes de 5 ans ? On est tous forts, et il va falloir en faire une réalité.

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